Introduction |
Le cahier de doléances de la communauté de Lentillac |
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L'assemblée de la communauté |
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Le contenu du cahier |
Les événements de la période révolutionnaire |
Lentillac, canton de Cabrerets, district de Cahors |
Les difficultés du curé Sylvestre (1791) |
Incidents dans la région de Lentillac |
Une "tradition" de Cabrerets |
Valery,
procureur-général syndic (an III - an IV) |
Vente
des biens nationaux |
Une période trouble |
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Attaque à main armée à
Artix |
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Faux billets de confiance à
Cabrerets |
Le
canton de Lauzès |
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Introduction |
| La période révolutionnaire débute avec la
préparation des Etats généraux, en février 1789. Le règlement royal qui en fixe les
modalités date du 24 janvier 1789, mais la lettre de convocation n'arrive chez le
juge-mage de Cahors que le 24 février, à 22 heures 30 : |
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«Tous les habitans du Tiers Etat
desdites villes, bourgs, paroisses et communautés de campagne, nés français ou
naturalisés, agés de vingt-cinq ans, domiciliés & compris aux rôles des
impositions seront tenus de s'assembler au lieu accoutumé, ou à celui qui leur aura
été indiqué par les Officiers municipaux, sans le ministère d'aucun Huissier, à
l'effet par eux de procéder d'abord à la rédaction du cahier de plaintes, doléances
& remontrances que lesdites villes, bourgs & communautés entendent faire à Sa
Majesté, & présenter les moyens de pourvoir & subvenir aux besoins de l'Etat,
ainsi qu'à tout ce qui peut intéresser la prospérité du Royaume & celle de tous et
chacun les Sujets de Sa Majesté [...].» |
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| Il est prévu de procéder en deux temps : des
cahiers seront rédigés dans les communautés puis leurs représentants - élus - se
réuniront le 9 mars au siège de la sénéchaussée (Cahors pour ce concerne Lentillac)
afin de rédiger des cahiers de province, un pour chaque ordre, qui seront portés à
Versailles par des députés élus à cette occasion. |
| Malgré cette procédure, les conditions dans
lesquelles se déroulent les assemblées des communautés ne sont pas claires. Un seul
cahier, par exemple, est rédigé par les communautés de Saint-Martin-de-Vers et Lauzès,
ce qui peut laisser penser que les deux communautés sont unies. A Sauliac et Liauzu, il
semble qu'il n'y ait ni assemblée, ni cahier et aucun député ne représentera ces deux
communautés à l'assemblée de la sénéchaussée. Peut-être leurs habitants ont-ils
participé aux assemblées d'autres communautés ? |
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Le cahier de doléances de la
communauté de Lentillac |
| Une assemblée est tenue le 5 mars 1789 à
Lentillac, au cours de laquelle est rédigé le " cahier de doléances, plaintes et
remontrances que présentent à sa majesté ses très fidèles et soumis sujet les
habitants de Lentillac du Causse ". |
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L'assemblée de la communauté |
| Nous ne savons pas qui assiste à la réunion
car le procès-verbal de l'assemblée a été perdu. Il est possible que l'ensemble de la
population y participe, mais la rédaction est celle du " haut-tiers ", les
notables locaux (propriétaires, notaire), plus instruits que la majorité des paysans,
bien qu'ils ne représentent qu'une faible partie de la population. |
| Le cahier de Lentillac est plutôt plus
complet que celui des villages environnants. Il est long (l'équivalent d'une dizaine de
pages dactylographiées) et n'hésite pas à aborder des problèmes de ce que nous
appellerions aujourd'hui la " politique générale " (fiscalité, justice,
social...), sans se contenter de considérations locales comme cela est souvent le cas. |
| Cela ne signifie pas pour autant que les
rédacteurs ne se soient pas inspirés des modèles de cahiers qui circulaient à
l'époque. Des similitudes troublantes laissent penser en tout cas qu'il y probablement eu
communication entre les différentes communautés. Les cahiers de Lentillac et de Sabadel,
par exemple, commencent par des phrases bien semblables : les habitants de Lentillac
" gémissent depuis longtemps sous le poids des impôts les plus accablants "
tandis que ceux de Sabadel " gémissent sous le poids des impositions prodigieusement
multipliées depuis un siècle "... |
| Le cahier de Lentillac est signé Pradel
(laboureur), Vanel (laboureur ou meunier), Aduie (?), Clary (laboureur), Faurie
(laboureur), Maury (laboureur), Marcenac (maréchal-ferrant), Liauzu (laboureur), Valette
(laboureur), Ségala (laboureur), Conquet (laboureur), Hérétié (propriétaire), Valery,
" avocat, juge commis en l'absence de M. le juge ordinaire " et Valery (un autre
?), secrétaire de la communauté. A l'évidence, seuls les paysans les plus riches de
Lentillac ont signé. On cherche en vain les noms des travailleurs. |
| La communauté désigne Valery (lequel ?) et
Conquet pour porter le cahier à l'assemblée des Trois ordres qui doit se dérouler le 9
mars suivant à Cahors avec pour mission de rédiger un cahier de doléances unique pour
la sénéchaussée. |
| Un quart des députés du Tiers assistant à
l'assemblée du 9 mars doit être élu pour participer à celle du 16, mais ni Valery ni
Conquet ne sont du nombre. Par contre le curé de Lentillac, Sylvestre (ou Silvestre),
assiste à l'assemblée du 16 mars, en tant que membre du clergé. |
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Le contenu du cahier |
| Les habitants de Lentillac se définissent,
nous l'avons vu, comme de " pauvres laboureurs ", subissant des impositions trop
lourdes et souffrant de l'isolement par l'absence de chemins. |
| Il est difficile de connaître précisément
la situation des habitants. Comme nous l'avons vu plus haut, il est probable que la vie
sur le causse n'était pas facile, mais il faut pondérer cette plainte. Les gros
propriétaires se plaignent de ne pas pouvoir cultiver eux mêmes toutes leurs terres et
d'être obligés "d'avoir chez eux des domestiques et des journaliers qu'ils
nourrissent et payent fort cher". Leur sort doit être moins dramatique que celui de
ceux qui travaillent pour eux, qui n'ont pas participé, du moins pas suffisamment pour le
signer, à la rédaction du cahier. |
| Ce qui choque surtout les rédacteurs, c'est
l'inégalité des impositions : "Nous croyons [que cette surcharge] a deux causes :
la première vient de ce que les Nobles et le Clergé, ne payant presque point d'impôts,
quoiqu'ils possèdent à peu près le tiers des biens, toutes les charges de l'Etat
retombent sur le Tiers ordre ; la seconde vient de l'inégalité de la répartition que
les administrateurs de notre province font chaque année sur les différentes
communautés". |
| Ils proposent une réforme : les nobles, le
clergé et les roturiers, sans distinction, paieraient une quote-part de leur récolte qui
serait versée directement au trésor du roi ou au trésorier général de la province.
L'ensemble des revenus serait imposé : puisque " les personnes les plus riches sont
souvent celles qui ne possèdent point de terre et ont leurs fonds placés à intérêt ou
dans le commerce, il serait juste d'établir un autre impôt personnel payable en argent,
dont la répartition se ferait sur tous les sujets du Roi, sans distinction, eu égard à
leur fortune et à leur aisance de la même manière que se fait aujourd'hui la capitation
roturière [...] ". |
| Les habitants de Lentillac se plaignent
également de la levée des soldats provinciaux : " il n'est rien qui gêne autant la
liberté des peuples ". Ils sont choqués par le fait que le fils d'un bourgeois ou
d'un laboureur soit forcé de tirer au sort tandis que le laquais d'un ecclésiastique ou
d'un gentilhomme en est dispensé. En plus, disent-ils, c'est une mesure inutile : dans la
guerre qui vient de se dérouler, il n'a pas été fait appel aux soldats provinciaux. |
| La justice, également, attire les foudres des
rédacteurs : ils la trouvent trop chère, trop compliquée, abusive et menée par des
juges dont la probité n'est pas toujours la qualité première : " le traitant ou
son commis interprète toujours les règlements du prince à sa fantaisie et il exerce un
pouvoir arbitraire sur nos fortunes ". |
| L'extrême pauvreté, fort répandue à
l'époque, et la mendicité qui l'accompagne attire des remarques d'un libéralisme
étonnant : les rédacteurs envisagent des mesures destinées à préserver les plus
pauvres. Il faut, proposent-ils, attribuer les dîmes directement au curé ou augmenter
les portions congrues pour " mettre les curés à portée de secourir leurs
paroissiens dans l'adversité car, ajoutent-ils, certains vont mendier au loin mais "
d'autres, retenus par une mauvaise honte, n'osent point aller mendier et préfèrent
quelquefois s'abandonner au crime pour se procurer l'absolu nécessaire ". |
| Cette approche "sociale" tranche
avec celle, nettement moins nuancée, développée par les habitants de Fages : "Cet
esprit de désordre, d'indépendance, de scélératesse, de rapine et de vol"
explique leur cahier, "se glisse dans la plus basse classe du peuple ; les pères et
les mères, dès que leurs enfants commencent à marcher, les accoutument à mendier ; ils
les menacent des mauvais accueils, des punitions même s'ils reviennent le soir sans être
chargés de quelque butin [...]. La dernière classe du peuple [...] préfère se livrer
à la mendicité qu'à travailler et à accoutumer ses enfants au travail." |
| Enfin, le cahier de Lentillac, comme beaucoup
d'autres, réclame le rétablissement des Etats du Quercy à Cahors. Cette protestation,
fréquemment exprimée dans les cahiers, est dirigée contre l'Assemblée provinciale de
Haute-Guyenne, qui regroupe le Quercy et le Rouergue et qui siège à
Villefranche-de-rouergue. Les Quercinois, qui s'estiment lésés, réclament la
suppression de l'Assemblée et l'installation à Cahors des Etats du Quercy tels qu'ils
ont existé jusqu'en 1673. |
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Les événements de la
période révolutionnaire |
| Aucun événement majeur ne se produira à
Lentillac pendant la période séparant la réunion des Etats généraux du Consulat.
Comme lors des époques précédentes, l'absence sur le territoire de la communauté, puis
de la commune, de château, d'édifice religieux ou même de bien national important
préserve probablement le village de troubles majeurs. |
| Il découle de cette situation que les
informations sont rares sur la vie de Lentillac pendant cette période. Nous ignorons
tout, par exemple, des réactions des habitants pendant la Grande peur, bien qu'on sache
qu'elle a déferlé sur le Quercy dans les derniers jours du mois de juillet 1789, se
dirigeant vers Cahors et Figeac par Gramat. La Grande peur a du atteindre Lentillac dans
la nuit du 31 juillet au 1er août, et ses habitants être réveillés au son du tocsin... |
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Lentillac, canton de
Cabrerets, district de Cahors |
| La commune est créée en 1790, des élections
étant organisées en février ou mars de la même année. Les Archives départementales
ou nationales n'ont pas gardé trace de cet événement - en revanche, les Archives
départementales conservent les procès-verbaux de l'installation des officiers municipaux
de Cabrerets, Fages, Artix (février 1790, L. 83). |
| Lorsque le département du Lot est créé, en
1790 - il sera amputé de sa partie sud lors de la création du Tarn-et-garonne en 1808 -,
Lentillac appartient au canton de Cabrerets, lui même étant du district de Cahors. Le
nombre de communes du canton était plus important qu'il ne l'est aujourd'hui, et que la
composition du canton était légèrement différente. C'est sous le Directoire, nous le
verrons, que le canton prendra sa forme définitive. |
| Cette même année 1790, un Valery est
secrétaire du département du Lot. En 1791, un (autre ?) Valery, dit " juge de paix
dans le canton de Cabrerets " est procureur-général syndic. Nous ne savons pas avec
certitude s'il s'agit d'un Valery de Lentillac, mais cela est hautement probable. |
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Les difficultés du curé
Sylvestre (1791) |
| Cette même année 1790, les prêtres doivent
prêter serment à la Constitution civile du clergé. Le curé de Lentillac,
Charles-Joseph Sylvestre, refuse de jurer et est remplacé par Antoine Moussié, élu le
21 mars 1791. Sylvestre évacue le presbytère, où Moussié s'installe, et se réfugie
dans la maison Richard (à l'époque), continuant de dire la messe dans une grotte située
à proximité, au dessous du Mas de Rigal. Une sorte de console, taillée au ciseau, lui
sert d'autel. |
| Or, Sylvestre a quelques difficultés avec les
habitants de Lentillac. En octobre 1791, il écrit à Valery, alors
procureur-général-syndic du département pour se plaindre "des sévices de toute
sorte dont il était l'objet de la part de quelques-uns de ses paroissiens de
Lentillac". |
| Valery engage le curé à faire appel à la
justice si les brimades continuent. Il écrit également au curé constitutionnel et à la
municipalité pour les inviter à apaiser la population : |
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«M. Sylvestre, votre ancien curé, vient de
me dénoncer que quelques habitants de votre commune se sont permis de ravager les
possessions qu'il a dans votre territoire et qu'ils menacent publiquement d'incendier une
maison où il a déposé quelques effets. Il réclame en même temps la protection que la
loi assure à tous les citoyens. Se peut-il, Messieurs, que les habitants de Lentillac,
qui ont donné jusqu'ici à tous leurs voisins l'exemple de la modération et de la
soumission à la loi, se soient portés à de pareils excès ? Je vous avoue que j'ai de
la peine à le croire, mais, si les faits dont M. Sylvestre se plaint sont exacts,
veuillez rappeler à vos concitoyens leur devoir ; faites leur sentir que la liberté
consiste uniquement à pouvoir faire ce qui ne nuit pas à autrui. Rappelez-leur que la
Constitution garantit l'inviolabilité des propriétés de chaque individu. Rappelez-vous
vous-même que vous êtes spécialement chargés par la loi de les protéger, et qu'elle
vous rend personnellement responsables des dégâts que vous auriez négliger d'empêcher. |
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Je sais que M. Sylvestre a manifesté des
sentiments contraires à la Révolution, mais ce n'est pas une raison pour attaquer ses
propriétés. Votre Constitution garantit à tout homme la liberté de ses opinions. Ce
n'est qu'autant qu'en les manifestant il troublerait l'ordre public, que vous pourriez le
dénoncer aux tribunaux et le faire poursuivre suivant les formes établies par les lois,
mais les voies de fait seront toujours sévèrement punies, parce qu'elles sont autant
d'atteintes à la liberté et à la Constitution. Veuillez encore un coup rappeler ces
principes à vos concitoyens. Je vous prie de leur dire de ma part que, les regardant tous
comme mes frères, comme mes plus chers amis, je serais au désespoir d'être forcé de
déployer contre eux l'autorité que la loi et le suffrage de ma patrie ont déposé dans
mes mains, mais que mes affections particulières ne me feront jamais hésiter quand il
s'agira de faire respecter et exécuter les lois.» |
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| Les tracasseries ne cessent pas et Sylvestre
se réfugie à Sénaillac. Le 9 septembre 1791, des gens de Lentillac se rendent à
Sénaillac et provoquent un scandale dans un cabaret. Quelques jours après, à la foire
de Saint-Cernin, une vive altercation se produit entre habitants des deux paroisses au
sujet du curé. On en vient aux mains. Un jeune homme de Sénaillac qui prend la défense
du curé doit s'enfuir et est poursuivi jusqu'à Artix. La querelle menace de générer en
guerre ouverte entre les deux paroisses... |
| Nouvelle plainte du curé au procureur-syndic,
qui écrit à Moussié, le constitutionnel, pour l'inviter à ramener ses ouailles à la
raison : "Rappelez-leur souvent cette belle maxime de l'Evangile "Ne faites pas
aux autres ne que vous ne voudriez pas que l'on vous fit", faites-leur sentir surtout
combien leur conduite est opposée aux principes de notre constitution, combien il est
honteux pour des hommes braves qui viennent de conquérir leur liberté de tomber au
nombre de six sur un seul homme ; faites leur savoir enfin combien il serait désagréable
pour eux de ne pouvoir sortir de leur territoire sans s'exposer à être assommés comme
cela arriverait infailliblement si tous les habitants de Sénaillac prenaient parti pour
leur concitoyen [...]". |
| L'abbé Sylvestre, comme les autres
réfractaires, sera finalement arrêté et déporté au fort du Hâ, près de Bordeaux,
où il mourra " victime de mauvais traitements ". |
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Incidents dans la région de
Lentillac |
| Au début de 1792, on signale des incidents
dans la région de Lentillac. En février, le château de Cabrerets est
"dévasté". En mars, des attroupements sont signalés à Liauzu et Sauliac. En
mai, ce sont les habitants de Blars qui se rendent chez l'ancien fermier des rentes du
seigneur de Marcilhac, réclamant que leurs rentes leur soient restituées car,
prétendent-ils, "des seigneurs du voisinage l'auraient fait". |
| A la même époque, la population s'agite dans
les cantons de Saint-Géry et Cabrerets. La gendarmerie, envoyée à Cabrerets "pour
dissiper un attroupement considérable qu'il paraît devoir se former demain dans les
cantons de Saint-Géry et de Cabrerets" s'y fait insulter. "La municipalité de
Cabrerets", écrit le procureur-général syndic, "n'est peut-être pas exempte
de blâme". |
| En février 1792, les habitants de Blars
manifestent à deux reprises, toujours pour obtenir restitution de la rente. |
| Début 1794, l'exécution du duc de Biron -
seigneur de Cabrerets - relance l'agitation : |
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«Le 15 février 1794, les habitants de
Saint-Géry et des Masseries s'abattirent sur le château de Cabrerets, pillèrent
l'intérieur, mutilèrent en les martelant les écussons aux armes des Biron sur les
manteaux des cheminées et même en démolirent rageusement certaines. La haine qu'ils
éprouvaient pour leurs seigneurs qu'ils ne connaissaient pas, mais que le juge opprimait,
était si grande que leur acharnement à détruire n'avait pas de bornes puisqu'ils
allèrent jusqu'à mettre le feu aux bâtiments longeant le parc.» |
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| Il est vrai qu'à cette époque, il ne fallait
pas grand chose pour exciter la fureur populaire, il suffisait d'une rumeur annonçant
soit des vivres cachés, soit la suppression d'un arbre de la Liberté, soit un faux appel
de levée en masses, soit même l'insuccès de nos armes aux frontières pour que la
colère populaire se déchaîna et que les vengeances n'ait plus de limites. Le slogan de
l'époque " Guerre aux châteaux ! " se traduisait par des autodafés où
disparaissaient les archives seigneuriales. Il en fut ainsi à Cabrerets où les riches
archives furent détruites. Le 27 Pluviôse An II, le directoire du district de Cahors,
par son arrêté du 4 courant, mit sous séquestre les biens que " le traître "
Biron possédait dans les cantons de Cabrerets et de Saint-Géry. [...] |
| [Les habitants occupèrent] les lieux, mais le
plus hardi de tous fut certainement le régisseur de Vialolles qui s'appropria la
seigneurie et qui tout simplement la donna en partage à ses neveux, ainsi qu'une grosse
part du château de Cabrerets. " (Calmon et al.) |
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Une " tradition "
de Cabrerets |
| Nous pouvons nous faire une idée de
l'ambiance qui régne à l'époque, et des sentiments anti-seigneuriaux manifestés par
les habitants de la région de Lentillac, grâce à la " tradition locale "
rapportée par Gluck dans son Album historique du département du Lot (ce récit n'a, à
l'évidence, aucun fondement historique mais il est révélateur d'un certain état
d'esprit qui perdure bien longtemps après la Révolution.). Il se rapporte, si l'on en
croit les dates, à Antoine IV-François, seigneur de Cabrerets : |
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«Vers le commencement du XVIIIè siècle, le
seigneur châtelain [Les Gontaud, à cette époque, n'habitent plus Cabrerets !], digne
imitateur de la Barbe-Bleue, dont le maréchal de Retz fut, dit-on, le type historique,
était l'effroi du village et de la contrée. |
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Quand on le voyait descendre de son manoir, le
mousquet sur l'épaule et sifflant un air, les pauvres vassaux se cachaient en tremblant,
car c'était ordinairement chez lui la marque de quelque noir dessein. Une bagatelle, un
rien suffisait pour l'irriter au point qu'il traitait ses paysans comme le gibier de ses
terres, c'est-à-dire qu'il les canardait sans pitié. Le seigneur de Cabrerets avait
pourtant des vassaux bien dociles car ils le laissaient jouir sans opposition du droit le
plus odieux qu'un supérieur ait jamais osé s'arroger, de ce droit que les gentilshommes
affectionnaient, dit-on, autant que les nouveaux mariés de leurs domaines devaient le
détester. Nous n'avons au reste à l'appui de ce récit que la tradition locale [Et pour
cause ! Le droit de cuissage n'a jamais existé !], transmise de père en fils avec ces
haines vivaces qu'enfante le souvenir des maux auxquels il fallut longtemps se résigner
sans espoir de vengeance. |
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Un jour, cependant, l'intraitable châtelain
rencontre une de ces volontés de fer devant laquelle il dut s'incliner vaincu et
humilié. Un campagnard de ses vassaux, qui revenait de l'armée où il avait servi comme
milicien, prit femme dans le village et fit seul exception à la règle générale. Dès
le lendemain, le seigneur s'approche de la chaumière du vassal récalcitrant.
L'ex-soldat, qui voyait de sa fenêtre un mousquet suspendu à l'épaule du châtelain,
saisit une arme de même nature, coucha le gentilhomme en joue et lui cria que s'il ne
remontait pas instantanément dans son castel, une balle ferait enfin justice de ses
intolérables violences. Le châtelain obéit en frémissant de rage et dès lors la
révolte fut universelle contre la prérogative seigneuriale. L'exemple devint contagieux
; le village se hérissa de mousquets, et le châtelain n'osa plus employer sa poudre que
contre les lièvres et les perdreaux de la contrée. " |
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| Pauvre Antoine ! |
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Valery, procureur-général
syndic (an III - an IV) |
| Après la chute des Montagnards et la fin de
la Terreur, le 22 fructidor An III (8 septembre 1795), Valery, de Dantonnet, devient
procureur-général syndic du département. Il n'occupe ces fonctions que deux mois, car
le 9 Brumaire An IV (10 novembre 1795), il démissionne et envoie à ses collègues du
département la lettre suivante, datée de Dantonnet : |
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«Citoyens, |
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Je viens d'être nommé agent de ma commune
[maire], et comme des fonctions municipales sont incompatibles avec les fonctions
administratives, je m'empresse de vous prévenir que je renonce à la place que j'occupais
au département. |
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Salut et fraternité. |
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Valery» |
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Vente des biens nationaux |
| La vente des biens nationaux, à Lentillac
comme ailleurs, et bien qu'il n'y ait pas grand-chose à vendre dans cette modeste
communauté, profite aux habitants aisés de la commune. Le 14 prairial An IV (2 juin
1796), les citoyens Baptiste Valery, Jean Bouscary, François Maury, Pierre Richard et
Pierre Bouscary, habitants de Lentillac du Causse, se portent acquéreurs du "
presbytère de Lentillac et de ses dépendances (un jardin, une écurie, un grenier à
foin, une grange et (illisible)) ". |
| Le tout est évalué par l'expert Alayrac (de
Saint-Sernin) à 150 francs en revenu et 2 860 francs en capital, montant que les
acheteurs contestent " eu égard à la mauvaise localité ". |
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Une période trouble |
| Les années révolutionnaires sont troubles.
L'insécurité règne sur le causse, les maisons isolées sont parfois victimes d'attaques
et de pillage. |
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Attaque à main armée à Artix |
| On rapporte qu'à Artix, " le 6 décembre
1797, vers 9 heures du soir, cinq ou six individus armés de sabres et de pistolets
pénétrèrent dans la maison Méric, à Artix. Le propriétaire et toute sa famille
furent frappés, renversés et liés. Après avoir fouillé les meubles et pillé les
effets et le numéraire, les brigands déclarèrent qu'ils se retireraient si on leur
donnait encore un louis d'or. La servante promit quatre écus de six livres si on la
détachait, ce qui fut fait. Elle remit les quatre écus, mais on l'attacha de nouveau et
on la meurtrit de coups de pied, dont elle mourut neuf jours après. " |
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Faux billets de confiance à Cabrerets |
| Sous la Révolution, les billets de confiance
constituent une monnaie émise en petites coupures (20 sous au maximum) par les communes,
en complément des assignats dont la valeur est supérieure à 5 livres (soit 100 sous).
Monnaie locale, les billets de confiance sont signés par les responsables communaux, ce
qui assure leur authenticité. |
| Fin 1792, début 1793, une affaire de faux
billets de confiance défraye la chronique locale. Elle débute le 24 octobre 1792 par la
plainte du citoyen Marre, habitant Saint-Martin-Labouval, qui dépose au tribunal de
Cahors un billet de confiance de 20 sols émis par la commune de Bias, qu'il pense être
faux. Ce billet lui a été donné par son oncle, cabaretier à Cabrerets, afin qu'il
puisse déposer plainte. |
| Des témoins de Cabrerets, Artix, Sauliac,
sont entendus, à la suite de quoi un nommé Chalou, employé à la levée des impositions
à Cabrerets, est suspecté. Absent de Cabrerets lors de l'enquête, il ne peut être
arrêté. Le tribunal, qui se réunit en son absence, reconnait que le billet est faux,
mais considère que la culpabilité de Chalou n'est pas prouvée. Celui-ci est donc
acquitté sans avoir comparu. |
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Le canton de Lauzès |
| Sous le Directoire, plusieurs cantons du
département sont réorganisés. Un rapport de Souilhé au Conseil des Cinq-Cents du 6
ventôse An VII (24 février 1799) propose en effet " la translation du chef-lieu de
canton de Cabrerets à Lauzès et la réunion de plusieurs communes de ce canton ". |
| Cabrerets " chef-lieu actuel, [est] très
éloigné du centre [et] de difficile abord pour une grande partie des communes du canton
; tandis qu'outre que Lauzez est infiniment plus central, il est accessible dans tous les
temps [et] offre un local commode pour la tenue des séances et le placement des archives
". Voilà pourquoi Lauzès, dont la communauté n'existait pas de façon
indépendante quelques années auparavant, devient chef-lieu de canton aux dépends de
Cabrerets - qui a été pendant les siècles précédents le principal fief de la région
! |
| Les communes de Liauzu et Laborie-Genier sont
respectivement rattachées à Orniac et Sauliac car Liauzu et Orniac n'ont à elles deux
que 400 habitants. Quant à la commune de Laborie-Genier, "contiguë à celle de
Souillac (sic), [elle] n'a donné aux assemblées primaires qu'un citoyen [et] toutes deux
réunies ne présentent qu'une population de trois cents quinze habitants." |
| Les contours du canton sont également
modifiés : la commune de La Toulzanie, à laquelle a été intégrée la commune du
Cairé, est rattachée au canton de Limogne car ces deux communes "ne donnent qu'une
population de trois cent quinze habitans ; qu'elles sont situées à dix-sept kilomètres
de Lauzez, & à neuf seulement de Limogne ; chef-lieu de canton ; qu'elles sont
séparées du canton de Cabrerets par la rivière du Cellé, sujette à des débordements
fréquens, & qui intercepte toute communication entre les habitans de ces deux rives :
les relations commerciales les appelent d'ailleurs à Limogne". |
| D'autres réorganisations interviennent au
cours des années suivantes : en 1801, Artix est rattachée à Sénaillac, Fages à
Saint-Martin de Vers et le Cayré à Saint-Cernin. En 1802, Cras et Nadillac sont unies,
mais l'union paraît impraticable car les communications sont difficiles entre les deux
villages et les habitants jaloux de leur prérogatives locales. Dès 1836, les deux
communes demandent à être de nouveau séparées. Il faudra attendre un décret de
Napoléon III du 17 janvier 1863 pour que les deux communes retrouvent leur indépendance,
les considérants du décret mentionnant l'"antipathie mutuelle" des habitants
de Cras et de Nadillac... |
| Ce n'est donc que sous le Second empire que le
canton de Lauzès deviendra celui que nous connaissons aujourd'hui. |
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