Introduction |
La seigneurie |
La paroisse |
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Saint-Pierre-ès-Liens |
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Saint-Martin de Caumont |
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La tour de Lentillac |
Les coutumes de Lentillac |
Le Traité de 1287 |
La guerre de Cent ans |
Lentillac dépeuplé |
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Introduction |
| Aucune
information sur l'histoire de Lentillac n'est disponible
pour les époques mérovingienne et carolingienne ni pour
le haut Moyen Age. Eugène Sol indique bien que l'église
de Lentillac-du-Causse possède un cimetière
mérovingien, mais cette affirmation n'est pas
confirmée. Nous ne pouvons même pas émettre de
conjectures car les récits des historiens quercinois
classiques, tels Lacoste ou Saint-Marty, ne résistent
pas aux travaux récents : rien ne prouve en effet que
les Sarrasins soient venus dans la région, ni que les
soldats de Waïffre (duc d'Aquitaine au VIIIè siècle) y
aient combattu ceux de Pépin le Bref . La légende
voudrait que les soldats de Waïffre se soient cachés
dans les grottes de la région pour se protéger des
attaques de Pépin. "On ne sait strictement rien, si
ce n'est qu'il y a eu conquête du Quercy par Pépin
après la prise de Turenne en Limousin" dit Jean
Lartigaut... |
| Il est
probable que, vers le Xème siècle, Lentillac appartient
à l'évêque ou à quelque dignitaire de l'église. Vers
930, en effet, de très nombreuses possessions de
l'archidiacre Ingelbert sont localisées dans les
alentours (Artix, Saint-Cernin, Orniac, Courbous, Cras,
etc), mais on y trouve pas Lentillac. |
| Le chanoine
Albe, dans la monographie qu'il lui a consacrée,
envisage que cette paroisse a pu être le Lentiniacum
donné par Saint-Didier, évêque d'Auxerre, à son
abbaye de Saint-Amand de Coronzac, mais P.-H. Billy
écarte cette hypothèse, Lentiniacum ne pouvant
pas passer à Lentillac. |
| De même, il
est difficile de dire quand les hameaux attachés au
village ont été créés. Nous savons qu'il y a eu en
Quercy des périodes de défrichage intense aux alentours
du XIIè siècle ou après la guerre de Cent ans, mais de
là à dater leur fondation... Tout au plus sait-on que
le nom d'Aussou vient du latin médiéval absus
(abandonné). Ce nom a donc servi à désigner une terre
en friche. |
| En début de
période, jusque vers le XIIè siècle, les hommes et les
femmes qui les habitent, en tout cas, sont soumis au
servage. |
| Il faut
attendre le XIIIè siècle pour avoir les premières
traces du village et de sa seigneurie. |
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La seigneurie |
| Aux XIIIè et
XIVè siècles, la villa de Lentilhaco (1286) est
aux Gourdon, puissants seigneurs qui dominent le pays de
la Dordogne au Lot et en bas Quercy. Plus précisément,
il s'agit de la branche des Gourdon-Saint-Cirq " qui
dut son ascension, plus de deux siècles en-deçà, aux
donations testamentaires du Comte de Rouergue Raymond 1er
(961) et qui lui était peut-être apparentée. Outre
Gourdon, où cette branche réside et exerce la
seigneurie principale, [...] elle possède, au seuil du
XIIIè siècle, des domaines très étendus sinon d'un
seul tenant en Haut-Quercy : la majeure partie de la
vicomté de Saint-Cirq-Lapopie, une bonne moitié du
causse de Gramat et la région du Gourdonnais qui
s'étend entre la Dordogne et le Lot, y compris la
vallée du Céou et la baronnie de Salviac". |
| En 1241,
Fortanier de Gourdon mentionne Lentillac dans son hommage
au comte de Toulouse : il reconnaît " tenir du
comte de Toulouse... Lentilhacum... avec tous les
droits qu'il y a. Fait à Toulouse en présence d'Armand
de Mondenard, témoin ". De même en 1242, il
hommage à Raymond, comte de Toulouse et marquis de
Provence, pour Saint-Cirq, Lentillac, Ginouillac et
autres lieux. En 1244, son hommage au comte mentionne
" Saint-Cirq-la-Popie, avec Laurc (Saint-Jean de
Laur) et Limonha (Limogne), et Lentillac qui est
au-delà du Lot, et ce qu'il a dans le diocèse de Cahors
de ce côté du Lot ". Bertrand de Cardaillac, qui
possède des fiefs alentours, est témoin de ce dernier
hommage. |
| Nous
trouverons un autre hommage au comte de Poitiers,
Alphonse, en 1254. En 1259, Fortanier rend à
nouveau hommage au même pour " la moitié du castrum
de Saint-Cirq [La Popie] et de sa juridiction, les bories
qui sont autour [dont celles de Bozias (Bouziès), Condat
(Conduché) et la borie de Geraud Fabri (Tour-de-Faure)]
[...] et la moitié de Rhinodes et Lentilhac avec toutes
les appartenances ". |
| En 1287
(nouveau style), son petit-fils Fortanier II apparaît
dans l'accord complémentaire au traité de Paris. Entre
temps, son fils Bertrand (père de Fortanier II) a été
seigneur de Gourdon et, par conséquent, de Lentillac. |
| Les Gourdon
n'exercent pas la seigneurie directe, puisque nous
trouvons en 1299 Pierre Bonafous, "damoiseau,
seigneur de Lentilhac ". Pierre Bonafous n'est pas
là par hasard. Il est probablement affilié aux Gourdon
par l'intermédiaire des Pestilhac.Ces liens de famille
n'empêchent toutefois pas les Gourdon d'être les
véritables maîtres. |
| Les Bonafous
possèdent également des terres à Orniac : une vente de
terre relevant de "noble Pierre de Bonafous,
seigneur de Lentillac" est enregistrée en 1324.
Cette famille se maintiendra plusieurs décennies : en
1326 (ou 1327), c'est un autre Bonafous, Guillaume, qui
reçoit une reconnaissance pour le terroir de Campradou. |
| Les seigneurs
des fiefs environnants sont le plus souvent liés aux
Gourdon d'une façon ou d'une autre. En 1257, les
Thémines, seigneurs de Quissac, Caniac et Artix rendent
hommage à Fortanier de Gourdon pour ces trois fiefs. Les
Barasc, qui sont à Cabrerets, Orniac, Sabadel et
Saint-Cernin ont reçu des Gourdon, en 1224, le château
de Montbrun. Ils sont également les seigneurs directs de
fiefs appartenant à l'abbé de Marcilhac (Lauzès,
Saint-Martin-de-Vers...). Les Cardaillac, seigneurs de
Vialolles, Saint-Cernin et Cabrerets (où ils succèdent
aux Barasc) sont alliés aux Gourdon. Les Castelnau, qui
sont à Nadillac où ils succèdent aux Barasc,
appartiennent peut-être aux Gourdon-Castelnau, autre
branche de la famille de Gourdon... |
| A côté de
ces seigneurs laïques, il est également dans la région
des seigneuries ecclésiastiques : celles de l'abbé de
Marcillac (Blars, Lauzès, Liauzu, Sauliac, La Capelette
de Sabadel, Saint-Martin-de-Vers) et des Templiers puis
des Hospitaliers (Cras). L'abbé de Figeac est, avec les
Pélegry, co-seigneur de Sénaillac et Domenac. |
| A la fin du
XIIIè siècle, les affaires de la famille de Gourdon
vont mal. Elle a vécu au-dessus de ses moyens et doit se
séparer de ses fiefs (la déconfiture ne sera toutefois
pas brutale mais s'étalera sur plusieurs décennies
(1280-1330)). C'est pourquoi en 1299, Fortanier de
Gourdon et ses frères, Pons et Gaillard, vendent à
" Jacques Johannis, citoyen et bourgeois de Cahors,
pour la somme de 5,000 livres de bons caorsins ",
diverses villes, châteaux et lieux, dont La
Bastide-Fortanière (fondée en 1238 par Bertrand de
Gourdon, aujourd'hui Labastide-Murat), "plus tous
les droits, raisons et actions à eux dûs par Pierre
Bonafous, damoiseau, sieur de Lentillac", lequel
Pierre Bonafous est témoin lors de la vente. |
| La vente
ayant été déclarée illicite car faite à un non noble
sans le consentement du roi, c'est B. Jourdain de l'Isle
qui rachète les droit en question. L. d'Alauzier
signale, en février 1317, un échange entre Bernard
Jourdain de Lisle et Bertrand de Gourdon, chevalier,
destiné à couvrir des dettes des Gourdon envers
Bernard, dans lequel Bertrand donne les lieux de "
... Boussac, Relhac, Lentillac, Lamothe-Cassel,
Puycalvel, Lomenac (sic) ...". Malgré cet
échange, les seigneurs directs restent les Bonafous, que
nous avons vu agir jusque dans la décennie 1320. |
| En 1360,
pendant la guerre de Cent ans, la seigneurie passe par
échange à Déodat du Bouyssou, devenu seigneur de
Sabadel par héritage de Raymond de Barasc, seigneur de
Béduer. En 1364, c'est ce même Déodat du Bouyssou qui
rend hommage au duc de Guyenne, le Prince Noir, pour le
village de Saumart" en la juridiction de Lentilhac
". |
| Puis, comme
d'autres possessions des Gourdon, telles Sénaillac et
Domenac, la seigneurie de Lentillac passe aux Pélegry,
à une date indéterminée. La transition se fait
probablement par héritage car en janvier 1391 sont
mentionnés à l'occasion d'une vente " Arnaud de
Pellegry, seigneur de Lentillac [...] et son fils Arnaud,
clerc, fils de feue Aigline de Bonafous, dame de
Lentillac ". Il est intéressant de constater que
les Pélegry sont également liés aux Gourdon, non par
des liens de famille cette fois, mais parce qu'ils sont
des bourgeois de Gourdon, peut-être chevaliers, ayant su
profiter de la déchéance de leur seigneur pour
récupérer quelques uns de ses fiefs. |
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La paroisse |
| A Lentillac,
au Moyen Age, il y a deux paroisses :
Saint-Pierre-ès-Liens, au village, et Saint-Martin de
Caumont, annexe de Saint-Pierre. |
| Le nombre de
paroisses est, en effet, beaucoup plus élevé au Moyen
Age et sous l'Ancien régime qu'il ne l'est aujourd'hui,
et les limites des paroisses ne correspondaient pas à
celles des communautés rurales ou des seigneuries parce
que les paroisses sont bien plus anciennes que les
seigneuries ou que les communautés qui ne datent
"que" de l'époque féodale. De plus, au cours
du temps, les paroisses sont plus stables que les
seigneuries qui sont partagées par héritage, vente ou
échange. De nombreuses paroisses existent dans la
région qui ont aujourd'hui disparu : Caumont, à
Dantonnet, mais aussi Vialolles (Ramailles, à
Cabrerets), Camy (Cabrerets), Coronzac (Cabrerets),
Sainte-Croix (Liauzu, annexe de Sauliac), Domenac
(Sénaillac), Artix (Sénaillac), La Capelette (Sabadel),
Fages (Saint-Martin-de-Vers), etc... |
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Saint-Pierre-ès-Liens |
| Le premier
titulaire de la paroisse est identifié en1348 : Bernard
de Rodes, futur archevêque de Naples. |
| A Rodes
succède un clerc venu du diocèse d'Agen, Raymond de la
Camine (1349), qui transmettra la cure à Arnaud de la
Camine, peut-être son neveu, alors nonce du pape en
Pologne et en Hongrie. La chose était courante à
l'époque. Transmettre la cure signifiait surtout
transmettre le bénéfice, c'est-à-dire les
revenus de la paroisse (dîme, casuel...). |
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Saint-Martin de Caumont |
| La paroisse
de Saint-Martin de Caumont existe au XIIIè siècle (elle
est mentionnée en 1260). Caumont était située près de
Dantonnet. Il n'en reste plus de traces, si ce n'est des
amas de pierres d'un volume considérable et la croix de
l'ancien cimetière. Cette croix de pierre a eu, il y a
fort longtemps, un bras cassé, ce qui a donné naissance
à une légende : "la tradition rapporte qu'un
berger mécréant, ayant brisé ce bras volontairement,
tout en proférant des injures contre le Christ, subit
plus tard le même sort. Un de ses bras fut brisé
accidentellement et la victime devint, par suite,
définitivement infirme". Depuis, la croix a été
réparée par M. Delpech et déplacée pour être visible
de la route qui mène à Dantonnet. |
| Le lieu de
Caumont est également mentionné en 1450 dans l'échange
de seigneuries qui intervient entre les Hébrard et les
Pélegry et dans le relevé des biens de Raymond
d'Hébrard, seigneur de Saint-Sulpice, établi en août
1482 par P. d'Anglars, recteur de Vialolles. |
| En 1528, nous
trouvons un recteur, Pierre Laumont, qui succède à
Guillaume Laumont, démissionnaire (il s'agit peut-être,
là aussi, d'un oncle et de son neveu). En 1531, la bulle
de nomination du recteur Antoine de Lagarde indique que
Caumont est annexe de Lentillac. |
| En 1679, le
pouillé Dumas en dit : "Il y avait
dans [la] paroisse de Lentilhac, au lieu dit de Caumon
une église de Caumon, aujourd'hui ruinée et
complètement détruite". Pourtant, la paroisse est
mentionnée comme annexe de Lentillac dans le Catalogus
omnium beneficiorum dioecesia cadurcensis de 1697,
où apparaît la mention "S. Pietri de Linthilhiaco
prope Sabadellum cum annexa S. Martini de Caumon"
("Saint-Pierre de Lentilhac, près Sabadel, et son
annexe Saint-Martin de Caumont. "). La contradiction
n'est qu'apparente : bien que la paroisse soit en ruine,
le bénéfice ecclésiastique subsiste et le recteur peut
fort bien en prendre possession... Ce qui est sûr, c'est
qu'elle n'existe plus à la Révolution. Le lieu conserve
cependant son nom : le cadastre du XVIIIè siècle
mentionne en effet un "Terroir de Caumont". |
| Par contre,
il n'est pas possible de suivre Lemozi lorsqu'il indique
que la paroisse "était une ancienne propriété des
Templiers". Ces derniers n'étaient, certes, pas
loin (à Cras), mais ils n'ont rien possédé dans la
région de Lentillac - hormis peut-être quelques terres
à Saint-Martin-de-Vers. |
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La tour de Lentillac |
| Un château
est construit dans la seigneurie, probablement vers le
XIè ou XIIè siècle. Il ne s'agit sans doute que d'une
construction modeste, constituée simplement d'une tour
avec une salle et une chapelle. On en construit
également à Cabrerets (château du Diable), Cras,
Saint-martin de Vers (la Bastidette), Saint-Cernin,
Sénaillac, Vialolles... Seuls les châteaux de Cabrerets
(château "du Diable" ou "des Anglais
", bien qu'il remonte au XIIè siècle,
c'est-à-dire bien avant la guerre de Cent ans)
subsistent aujourd'hui, mais celui la Bastidette est en
ruines. |
| La tradition
voudrait que la tour de Lentillac ait été située sur
la place devant l'église, autrefois appelée "place
de la tour". |
| Lemozi
mentionne également un "château ou maison du
seigneur", qui existerait toujours en 1936. Il
s'agirait de la maison Poujade, située à proximité du
cimetière, et qui a été successivement demeure
seigneuriale, presbytère, école et maison domestique.
On y remarque, paraît-il, une ouverture et une cheminée
"qui témoignent d'une grandeur passée".
Toutefois, aucune autre mention de ce
"château" n'a pu être retrouvée. |
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Les coutumes de Lentillac |
| Vers 1299,
Pierre Bonafous accorde aux habitants de Lentillac une
charte de privilèges, dans laquelle sont décrits les
droits reconnus aux habitants par le seigneur et les
devoirs auxquels ils sont astreints. De nombreux
seigneurs quercinois font de même depuis le début du
XIIIè siècle : c'est le "mouvement communal". |
| Il ne reste,
malheureusement, aucune trace de cette charte. Toutefois,
à défaut de disposer du document initial, nous pouvons
avoir une idée de son contenu en raisonnant par analogie
avec celles, conservées, de La Bastide-Fortanière. Nous
savons, en effet, que les chartes des possessions des
Gourdon s'inspirent les unes des autres : il n'y a donc
pas de raison de penser que celle accordée par Bonafous
aux habitants de Lentillac est radicalement différente
de celles de Gourdon ou de La Bastide, à l'exclusion,
naturellement, des dispositions propres à La Bastide,
comme les dispositions de la charte destinées à
favoriser l'installation de nouveaux habitants (franchise
de taille, garantie de liberté, etc). La charte de
Lentillac datant de 1299, nous nous réfèrons à la
charte accordée par Pons de Gourdon (Fils de Fortanier
II) à La Bastide, en octobre 1266. |
| Si la charte
de Lentillac est bâtie sur le modèle de celle de La
Bastide, alors la communauté de Lentillac dispose de
consuls, deux peut-être, désignés par les habitants et
investis par le seigneur, chargés d'administrer la
communauté (perception des taxes, tâches de police) en
liaison avec le bayle (agent seigneurial qui a le rôle
d'intendant) du seigneur. |
| Les amendes
prévues pour certaines infractions, dont le montant
revient au seigneur, doivent également figurer dans la
charte : vol (de 10 à 60 sous, avec mise au pilori
suivant le montant du vol ou saisie en cas de vol de
nuit), jet de pierre ou coup de bâton (5 à 60 sous
suivant qu'il y a ou non effusion de sang), coup de
couteau (50 ou 60 sous), homicide (le coupable est mis
"à la discrétion du seigneur, lui et ses biens, à
moins qu'il ne l'ait occis en se défendant
lui-même"), écoute aux portes de nuit (10 sous),
usage de fausse mesure (7 sous), adultère (100 sous),
etc... |
| De même, la
charte fixe le montant des banalités, c'est-à-dire des
redevances exigées par le seigneur pour l'utilisation
des instruments ne relevant que de lui (four, moulin...).
A La Bastide, par exemple, les habitants peuvent utiliser
le four du seigneur, qui est tenu d'avoir un fournier,
mais lui doivent en échange un pain sur vingt. S'il n'y
avait pas de fournier à Lentillac, ce taux devait être
moindre. L'usage des moulins, dont nous savons qu'il en
existait sur la Sagne avant la guerre de Cent ans, devait
être réglementé par la charte. Peut-être même y
trouvait-on le montant des cens, redevances en principe
fixes et perpétuelles, recognitives de seigneurie, due
pour une tenure au seigneur foncier. Pourvu qu'il
paye le cens convenu (sorte de loyer éternel -
emphytéotique), le tenancier bénéficie de toutes les
prérogatives du propriétaire moderne. |
| Des règles
de droit civil sont probablement incluses dans la charte
: obligation d'exécuter un testament, liberté de vendre
ou d'aliéner un bien, etc. |
| Par contre,
ce que ne mentionne pas la charte de La Bastide, mais qui
devait figurer dans celle de Lentillac, c'est le montant
de la taille et autres taxes pour lesquelles La Bastide
bénéficiait d'une franchise. |
| Nous pouvons
également supposer qu'à cette époque (XIIIè siècle),
les habitants de Lentillac ne sont plus serfs, pour la
plupart. Le Quercy, en effet, est affecté lui aussi par
le grand mouvement d'affranchissement qui se dessine dans
tout le royaume et dans le Sud-ouest. En 1299,
Philippe-le-Bel libère tous les serfs de la
sénéchaussée de Toulouse. Il ne s'agit pas là de
charité chrétienne : les " droits serviles restent
d'un mauvais rapport " et les serfs sont invités
(forcés, le cas échéant) à racheter leur liberté. A
la fin du XIIIè et au début du XIVè siècle, il
continue d'exister en Quercy une forme de servage
atténué, celui des questaux qui rachèteront leur
liberté lors de la guerre de Cent ans (qui balayera les
dernières traces de servitude). |
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Le Traité de 1287 |
| En 1259,
cherchant à faire définitivement la paix avec le roi
d'Angleterre, Saint-Louis signe avec Henri III un traité
par lequel le Quercy (ainsi que la Saintonge, l'Agenais,
le Périgord et le Limousin, sauf quelques fiefs) doit
être donné au roi d'Angleterre s'il est prouvé que
cette province a été donnée en dot à la soeur de
Richard coeur de Lion, Jeanne, lors de son mariage avec
Raymond VI de Toulouse. Une enquête est donc ordonnée,
mais qui n'aboutit pas (il n'est même pas certain
qu'elle ait jamais été entamée). |
| En 1287 (n.
st.), un nouvel accord intervient entre le roi de France
(Philippe le Bel) et le roi d'Angleterre (Edouard 1er),
aux termes duquel Philippe accorde à Edouard, à titre
de compensation de la perte des biens du comte de
Poitiers (devenu, nous l'avons vu, comte de Toulouse), un
revenu de 3 000 livres, dont le quart (758 l.) doit être
payé par le Quercy. |
| Le paiement
en est assuré par l'affectation au roi d'Angleterre des
rentes ainsi que des droits de ressort (de justice) de
certaines paroisses, parmi lesquelles nous trouvons
Lentillac ("resortum in baionia Fortanierii de
Gordonio, in qua est villa de Lentilhaco
("Ressort de la baronnie de Fortanier de Gourdon,
dans laquelle est la villa de Lentillac"). |
| Le voisinage
des rois de France et d'Angleterre n'est pas facile, et
les habitants de la région de Lentillac en font les
frais : un jour, le sénéchal anglais cite à
comparaître douze hommes de Blars. Les douze se rendent
à la convocation mais protestent et en appellent au roi
de France car, disent-ils, ce fief est toujours du
ressort du roi de France. Pour toute réponse, le
sénéchal les fait arrêter et garder en prison pendant
presque deux mois car, selon les Anglais, Blars aurait du
être abandonné par le roi de France... |
| Le pays est
en état de guerre larvée entre 1293 et 1297 et à
nouveau secoué après l'affaire de Saint-Sardos (1324)
qui appartient au roi d'Angleterre. Ces incidents ne sont
que les derniers préludes à la guerre de Cent ans. La
crise dure en effet depuis le XIIè siècle,
lorsqu'Aliénor, héritière du duché d'Aquitaine, est
répudiée par Louis VII et épouse Henri Plantagenêt
(1152), comte d'Anjou et duc de Normandie, qui devient
roi d'Angleterre en 1154. La guerre de Cent ans débute
pour de bon lorsque Edouard III revendique la couronne de
France le 5 octobre 1337. |
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La guerre de Cent ans |
| A partir de
1345 (prise de Bergerac) et jusque vers 1440, la guerre
de Cent ans ravage le Quercy. Bien que les combats ne
soient qu'intermittents et que les principaux
événements interviennent plus au nord (Crécy,
Poitiers, Azincourt...), le front d'Aquitaine n'étant
que secondaire (le Quercy n'est pas sur la route des
descentes du Prince Noir), le Quercy va être en mis en
lambeaux. |
| Les habitants
de Lentillac sont aux premières loges pour observer - et
subir - le conflit : les bandes anglaises (qui, soit dit
en passant, n'étaient pas anglaises : "les hommes
d'armes du camp anglais sont le plus souvent bordelais,
gascons, béarnais, navarrais, agenais, périgourdins ou
même quercinois") qui se sont fortifiées dans les
bois de la Barasconie, occupent à diverses époques
Cras, Saint-Cernin, Saint-Martin-de-Vers, Fages, Sabadel,
Sénaillac, Sauliac, Cabrerets... |
| En 1360, le
traité de Brétigny fait tomber le Quercy sous
administration anglaise. Nous avons vu plus haut que,
cette même année 1360, la seigneurie de Lentillac passe
aux Bouyssou, sans qu'il y ait, apparemment, de lien
entre les deux événements. |
| Les
hostilités reprennent dès 1369, après que les consuls
de Cahors aient choisi le camp du roi de France - comme,
d'ailleurs, huit cents villes et bourgs d'Aquitaine, le
Prince Noir ayant commis l'erreur de vouloir augmenter un
peu trop brutalement le fouage (impôt), jetant ainsi les
bourgeois et petits seigneurs locaux dans les bras du roi
de France. |
| Les grandes
compagnies continuent leurs ravages, commettant des
dommages "per taillemen de vignas, per ardemant
(incendie) de blatz, perdement de bestial, rompement de
molin". A leur tête, des aventuriers, dont les plus
célèbres sont Nolimbarbe, Bertucat d'Albret ou Mérigot
Marches, dit Tête noire, qui finira décapité à Paris,
son corps mis en quartiers cloué aux quatre principales
portes de la capitale. |
| Lentillac
n'échappe pas aux agresseurs : à une date
indéterminée mais avant 1387, une partie des
défenseurs du village périssent dans l'incendie de la
tour dans laquelle ils se sont réfugiés. Non loin de
Lentillac, à Bouziès, " les habitants s'enfuient
tous, à l'exception des tués et des prisonniers ". |
| Le château
du Diable de Cabrerets, occupé par des bandes anglaises
depuis 1380, est repris par Jean d'Hébrard, seigneur de
Saint-Sulpice, en 1390. |
| Nous pouvons
également supposer, par le fait qu'elle sera
reconstruite après la guerre (XVè s.), que l'église de
Lentillac est détruite pendant le conflit. |
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Lentillac dépeuplé |
| Les habitants
ne subissent pas seulement les dommages de la guerre. La
peste, également, ravage le pays à intervalles
réguliers : 1348 (Cahors), 1361 (Figeac), 1384 (Cahors)
et ainsi de suite tous les vingt ans. Les effets
conjugués de ces deux fléaux ont pour effet de vider le
pays de sa population. Les survivants s'enfuient vers
Toulouse et les grandes villes du Sud-Ouest (Carcassone,
Agen). |
| De sorte
qu'à la fin des hostilités, vers 1440, le Quercy a
perdu la moitié de ses habitants : la population de
Gramat est tombée à 7 habitants. Ce nombre de 7, donné
par Fouilhac et, rapporté par L. d'Alauzier, n'est
qu'une image. Jean Lartigaut précise en effet " sur
221 noms de famille portés à Gramat au XIVè siècle
(surtout avant 1370), sept seulement répondaient à
l'appel au lendemain de la guerre et, sur ce nombre,
quatre appartenaient à des propriétaires de biens
situés à Gramat mais résidant ailleurs : à Figeac et
à Cahors ". Lentillac, comme de nombreux autres
villages proches (Artix, Blars, Cras, Liauzu, Orniac,
Sabadel, Sénaillac) ont été abandonnés par leurs
habitants et sont totalement dépeuplés. " Les
lieux ", écrit un habitant alors de Sénaillac,
" étaient totalement en herme (en friche) ; il n'y
avait aucune culture, personne n'y habitait et il n'y
avait aucune habitation en bon état ; les sangliers et
autres animaux sylvestres mettaient bas leurs petits dans
les églises et les ruines des maisons et les y
allaitaient, il était presque impossible de circuler
dans le pays, soit à cheval, soit à pied ". La
situation de Lentillac ne doit pas être différente de
celle de Sénaillac. Même si ce témoignage est un peu
exagéré, nous pouvons imaginer que le village est dans
un triste état. |
| Reste aux
seigneurs à repeupler et à remettre ces terres en
culture. C'est ce qu'ils vont s'employer à faire dès la
fin de la guerre. |
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