1789.
A Salviac : un tanneur en lutte
contre les impositions fiscales
La Révolution s'installe et certains salviacois (semblables en cela à de
nombreux français d'aujourd'hui) supportent de plus en plus mal les redevances diverses,
droits seigneuriaux, corvées qu'il leur faut acquitter et souhaitent s'en libérer. Ils
prêtent donc une oreille complaisante aux rumeurs relatives à une prétentue suppression
des impôts et sursoient à leur paiement. |
Le directeur de la régie générale, préoccupé par cette tendance,
écrit le 29 septembre 1789, à l'intendant pour lui demander d'intervenir auprès de son
subdélégué, afin que celui-ci agisse énergiquement auprès des défaillants et
notamment de Lavergne, tanneur à Salviac, dont la conduite est on ne peut plus
répréhensible.
En effet, ce redevable consul de la communauté et qui en
cette qualité doit donner l'exemple du bon ordre, crée non seulement d'innombrables
difficultés au receveur à cheval du département, dans l'exercice de ses fonctions, mais
« manifeste hautement l'intention de le fusiller s'il se présente à nouveau ».
Depuis deux mois, ces menaces empêchent ce fonctionnaire de paraître dans Salviac, où
il importe cependant de percevoir les droits sans retard.
Non content de ces pressions, Lavergne incite ses confrères locaux à suivre ses pas. Il
a même la témérité d'adresser à tous ses homologues de la province, une circulaire
pour les engager à « ne plus rien déclarer ni payer et à ne souffrir aucune visite des
commis ».
A la suite de ce rapport, les autorités supérieures font immédiatement connaître
à Lavergne combien il est illégal de se livrer à de pareils excès et le somment de
régulariser sa situation, sous peine de sanctions pécuniaires et juridiques.
Le 4 octobre Lavergne, vraisemblablement par l'intermédiaire d'un homme de loi, fait
part, dans une lettre, de sa surprise devant la plainte portée contre lui par le
directeur de la Régie « A Dieu ne plaise que je voulusse tenir l'étendard de la
révolte et encore moins me refuser d'obéïr aux ordres du Roi et aux lois par lui
établies ». Il précise n'avoir été consul qu'en 1784 et de ce fait ne disposer
d'aucune autorité. Quand au receveur, depuis plus de quatre mois, aucun n'a été vu dans
Salviac. Il n'a donc pu refuser de leur payer ses impôts, minimes d'ailleurs puisqu'il
est un de ceux qui travaillent le moins. Cependant, bien que n'étant pas partisan du
trouble ni du désordre, il suit ses collègues du canton qui refusent d'acquiter les
taxes.
Il ne peut pas les abandonner et être considéré comme traître en étant un des
premiers à les régler. Que la Régie fasse payer ses confrères et il ne sera plus
récalcitrant.
D'ailleurs, cette plainte, faite mal à propos contre lui et la fiscalité insupportable
l'incitent à abandonner sa profession et par la même, éviter les tracas administratifs.
D'autres revenus lui permettent de vivre.
La conclusion de ce différend n'est pas connue avec précision, mais il existe une forte
probabilité pour que le versement des sommes dûes soit effectué et même rapidement.
En outre, contrairement à ses dires, Lavergne poursuit toujours son activité. Cinq ans
après, le 11 juin 1794, le commissaire Renaldi, chargé de l'inspection des tanneries
trouve dans ses ateliers en activité, dix peaux de vaches, trente de veaux et
trois-cent-soixante de moutons, prêtes à être commercialisées.
La relation des faits ci-dessus montre une fois de plus la pérennité des rapports,
souvent conflictuels, entre l'administration fiscale et les citoyens. |